À LA CONQUÊTE D’UN TROPHÉE QUÉBÉCOIS
Écrit par François-Xavier Morin-Thibeault

La chasse au cerf de virginie est encrée dans les habitudes des chasseurs du Québec. L’automne dernier, plus de 142 000 chasseurs ont pratiqué cette chasse aux quatre coins de la province. Cependant, il est de plus en plus difficile de déjouer un mâle mature. Plusieurs facteurs influencent cette réalité. Notamment, la possibilité de récolter 2 mâles au moyen de 2 permis, l’absence de mesures restrictives de la taille légale des bois (R.T.L.B) ainsi que les ratios « mâles/femelles » déséquilibrés nuisent au potentiel de chasse au Québec. Depuis 2019, j’ai eu le privilège de suivre un mâle mature sur mes territoires de chasse. À l’intérieur de cet ouvrage, il sera question de ma plus récente chasse au cerf de virginie. La prospection, la préparation ainsi que l’histoire derrière ce trophée vous seront présentées.

Pour vous mettre en contexte, je ne me considère pas comme un expert de la chasse au chevreuil, mais plutôt comme un passionné de cette chasse. J’aime essayer des techniques et apprendre de mes erreurs. Je chasse sur plusieurs propriétés dans ma région natale, soit la région de Charlevoix. À chaque printemps, je fais des salines afin de dresser un inventaire du cheptel qui fréquente mes terrains. Au fil des saisons, je déploie des caméras de surveillance sur des sentiers et des grattages pour connaitre les habitudes des cervidés. Grâce aux appareils, j’ai décelé la présence d’un mâle mature en 2019. Ce dernier a suscité mon attention par sa physionomie et sa couronne. À l’époque, j’avais 8 caméras de surveillance pour réussir à trouver ces habitudes de vie. Au fil des années, j’ai réussi à déjouer plusieurs mâles, mais jamais celui tant convoité. Forcément, je doutais que le principal intéressé allait mourir durant l’hiver en raison de son âge vénérable.

La saison dernière, j’ai débuté mes préparatifs au début octobre en arpentant mon territoire. J’avais ciblé quelques grattages et des frottages à différents endroits. Sur chaque sentier de chevreuil, j’ai installé des caméras de surveillance. À la transition d’une zone marécageuse et d’un couvert forestier mature, j’ai capté la présence du mâle convoité à 4 reprises dans un lapse de 10 jours. À chaque moment, il a emprunté ce sentier en après-midi. J’étais enthousiaste à l’idée de pouvoir faire sa rencontre en situation de chasse. Pour m’assurer de cerner ses habitudes, j’ai augmenté le nombre de caméras de surveillance dans l’environnement où le sujet passait. 2 semaines avant la chasse, j’ai commencé à appliquer un système d’appâtage à un endroit stratégique. Des carottes, des pommes, du soya et de la moulée ont été étendus dans une éclaircie forestière d’une superficie de 200 mètres carrés.  En périphérie, j’ai fait un grattage à la jonction de deux sentiers de chevreuils. Derrière cette démarche, mon objectif était d’alimenter l’endroit au moyen d’appâts seulement qu’une fois avant la période de chasse afin de laisser le terrain tranquille avant la chasse. À ma grande surprise, le mastodonte de 10.5 ans a fait son apparition plusieurs reprises dans mes installations autant en plein jour que de nuit. C’était encourageant en vue l’ouverture de la chasse qui était le 9 novembre.

Deux semaines plus tard, c’était maintenant le temps de passer en mode chasse. Le premier matin, je suis resté confortablement à la maison pour déjeuner avec ma conjointe. Je suis convaincu que vous devez vous demander pourquoi je n’ai pas été à la chasse en matinée. L’objectif derrière cette décision était de chasser en périphérie de l’appât avec un vent favorable. Lorsque je chasse près d’un site appâté, je préfère chasser seulement l’après-midi afin de ne pas me faire détecter tôt le matin. J’ai fait souvent ce genre d’erreur dans le passé et cela m’a nuit énormément. Je me suis dirigé vers 10h00 à mon mirador. Ce type d’affût était localisé sur un sentier de chevreuils qui menait à l’appât. À mon arrivée, le vent était extrêmement fort à un point tel que le mirador bougeait constamment. Aux alentours de 15h00, le vent a diminué et a laissé place au calme en forêt. Une vingtaine de minutes plus tard, j’ai entendu des chevreuils qui marchaient. Il s’agissait d’une femelle accompagnée d’un faon. La femelle était très nerveuse. Pendant que le faon s’est dirigé vers le site nourricier, la femelle est restée en retrait pour surveiller les environs. Dans les instants qui ont suivi, cette dernière a quitté les lieux nerveusement. À ma grande surprise, des grognements de mâle se firent entendre dans la minute suivante. En tournant la tête, j’aperçois le mâle tant attendu dans le sentier. Instinctivement, j’ai pris mon arbalète et je me suis appuyé convenablement. Le mâle était à 40 verges. Je l’ai laissé progresser dans le sentier afin d’avoir un meilleur angle de tir. Rendu à une distance de 26 verges, j’ai laissé partir ma flèche. Le cerf s’est enfuit à grande vitesse en direction d’un couvert de résineux très dense. À la suite du tir, l’adrénaline s’est emparée de moi et les émotions ont pris le dessus. Je ne pouvais croire que le moment que je rêvais depuis autant d’années venait de se réaliser. Ensuite, j’ai quitté mon mirador pour appeler ma conjointe et mon partenaire de chasse. Les recherches ont débuté 1h30 après le tir en compagnie de mes complices. À 100 mètres du lieu où le tir a été effectué, le trophée était couché au sol derrière une souche. En mettant la main sur ce panache de 8 pointes et d’une largeur de 21 pouces, j’ai constaté toute l’amplitude du panache et de la physionomie de cette bête. C’était maintenant un rêve qui était devenu réalité. Je me doutais bien que ce mâle allait marquer ma jeune carrière de chasseur. Après avoir été mesuré par des mesureurs de l’organisme Trophée Québec, la bête en question possédait un panache qui mesurait 130 points et 3/8 Boone and Crockett.

Pour conclure, ma chasse 2024 au cerf de virginie s’est couronnée de succès grâce à une prospection approfondie, des aménagements simples et efficaces ainsi qu’une connaissance aguerrie des habitudes des cervidés du secteur.  Naturellement, je suis reconnaissant que la vie m’ait permis de récolter un trophée exceptionnel qui a su me faire rêver pendant plusieurs années. De mon côté, je vous recommande fortement de vous procurer plusieurs caméras de surveillance et d’aller prospecter votre territoire afin de cerner les zones de déplacements des cervidés. À titre complémentaire, l’utilisation de quelques salines ainsi que d’un système d’appâtage vous peut vous permettre de drainer un achalandage de cerfs sur votre terrain. Récolter un mâle mature n’est pas une tâche facile au Québec. Pour avoir du plaisir, il est important de se fixer des objectifs réalistes qui correspondent à vos valeurs et à  votre bagage d’expérience. L’essentiel c’est de profiter de la nature, des grands espaces et de respecter notre gibier. Je vous souhaite une excellente saison de chasse au cerf de virginie 2025.